Qui sont ces coqs ?Des coqs de combat, c’est-à-dire des coqs élevés et sélectionnés pour parfaire leur agressivité et leur combativité.
A priori, des coqs susceptibles de déclencher de nombreuses questions autour de l'animal, de la relation nature/culture très présente dans l'art... Ou, en passant du coq à l'âne, d'interroger le devenir-animal. Autant de discours possibles à partir de ce que montre la photographie.
Ce sont aussi des coqs symboliques car il ne peut en être autrement tant cet oiseau "solaire" est universel. En plus des traits de caractères qu'on lui prête - fierté et vanité - , il annonce dans différentes civilisations ou cultures, le lever du soleil, l'avènement de la lumière sur l'obscurité. Ce sont des coqs-stimulus, des coqs-prétextes, des coqs-précieux, des coqs-ornements, des coqs-appâts.
Quel a été votre protocole de prise de vue pour réaliser cette galerie de portraits ?J'ai monté un studio de prise de vue dans différents lieux, ranch, foire,
azotea (toit terrasse)... Dans chaque lieu j'ai utilisé le même cyclorama gris et des flashes à 45°, ce qui peut ressembler à un photomaton ou à une table de reproduction. Un dispositif sériel et mécanique. À cette différence près qu'un assistant plaçait chaque tête de coq à travers le fond, par un trou percé à la taille de façon à pouvoir "masquer" le stratagème par les plumes. Après une brève préparation cosmétique (un peu de coiffure, un peu d'huile sur la peau), je les photographiais de face et/ou de profil, un peu à la manière du procédé du bertillonnage.
Pourquoi avoir choisi de les isoler de leur contexte et ne retenir ainsi que leur tête sur fond gris ?Le truc ou le piège du fond gris consiste à mettre en abîme le procédé photographique. En même temps que le cyclorama effectue une coupe franche de l'espace photographique, je souhaitais que cette décapitation ampute l'image photographique (peut-être du pathos qu'elle charrie souvent). C'était, "regardez, approchez-vous, en silence" ; il faut aussi préciser que j'ai pensé ce travail d'une manière très plastique et qu'il y a une grande différence entre le voir publié, et le voir exposé ou accroché : se tenir debout face à une tête de coq, agressive et chatoyante, qui nous défie aussi par sa taille entraîne une réaction physique troublante.
D'une certaine manière c'était glisser de l'image photographique vers une image plus épurée, plus stylisée ou ornementale, qui dévoilerait ses armes de séduction.
Vous avez vécu plusieurs années à Mexico. Quelle influence cette ville a-t-elle eue sur votre pratique et culture de l’image ? C'est vrai que la ville de Mexico peut, pour un observateur étranger, surprendre par son inquiétante étrangeté. C’est un formidable laboratoire de formes et de signes, qui a exercé sur moi une influence rapide et décisive. L'ethnologue anglais Edward B Tylor consigne avec étonnement dans son carnet de voyage
Anahuac ce télescopage incessant et parfois irrationnel de situations ou de singularités, qu'il a du mal à saisir. Ce que pointe parfaitement Le Clézio dans son livre
Le rêve Mexicain, c'est ce choc exceptionnel, la collision entre la civilisation magique (aztèque) et la civilisation européenne de la Renaissance. Alors peut-être que dans cette région sismique on ressent encore aujourd'hui quelques secousses distillées de-ci de-là...
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.