Dans Homelux, les grandes tours, carcasses de béton percées de trouées de lumière, perdent leur caractère imposant et acquièrent - ainsi photographiées de nuit et d’un point de vue inaccessible au passant - une sorte de légèreté que l’on ne leur soupçonnait pas. Pouvez-vous décrire votre processus de prise de vue ?L’architecture
oriente le regard qu’on porte sur notre environnement, en se plaçant à
hauteur de fleur ou en montant dans les tours, on n’opère pas qu’un
simple changement de point de vue sur l’ordinaire, on le met en scène et
le transforme. Il me fallait donc trouver un habitant des tours
voisines qui accepte de m’ouvrir une fenêtre de son appartement ou me
donne accès au toit de son immeuble. Comme je photographiais la nuit,
dans des quartiers parfois assez chauds, les délais pour obtenir ces
autorisations ont été très longs. Depuis un point élevé les tours ne
sont plus écrasantes ni impersonnelles, leur contexte social est
restitué, les intérieurs apparaissent, la vie surgit de la masse inerte.
Dans Le Printemps,
de même, le point de vue s’inverse. Ce qui se voit habituellement comme
un décorum très secondaire passe au premier plan. Comment avez-vous
choisi les correspondances entre le végétal et l’architecture ?Je
suis toujours parti de l’architecture, en m’intéressant à des bâtiments
qui ont un potentiel plastique après avoir été jeté dans le flou de la
photographie. La nature n’est jamais loin, l’« espace vert» est une
invention propre à ce type architectural, sa fonction est d’y rendre la
vie acceptable ou, à tout le moins, possible, leurs liens sont donc
indissociables. D’ailleurs en discutant avec un botaniste, j’ai appris
que certaines plantes mises en relation avec des immeubles que j’avais
photographié avaient été conçues dans la même période que ces
architectures.
Il est souvent difficile de savoir regarder
autrement ce que l’on ne regarde même plus. Le choix de photographier
Paris, votre ville, et la familiarité que vous entretenez avec votre
sujet est-elle un facteur stimulant pour vous en tant que photographe ?
Quel promeneur êtes-vous dans Paris ?Je ne cherche pas, comme le
ferait un photo-journaliste, le « grand sujet », qui s’impose par sa
force, son évidence ou sa nécessité à être traité.
Je suis
intéressé, au contraire, par des choses transparentes, mon travail
tourne autour de l’idée de défamiliarisation, de porter l’attention sur
ce que l’habitude a recouvert.
Il est commun de dire que Paris est
une ville inphotographiable parce que trop photographiée, cela pose le
problème du sujet, de son intérêt et de la puissance documentaire à
laquelle la photographie ne peut échapper.
On m’a proposé de faire le
printemps à Tokyo et à New York, mais cela n'apporterait rien à cette
idée de transformation, sinon un divertissement avec lequel je ne
travaille pas. Si je devais m’intéresser à ces villes, ce serait pour
des raisons historiques, politiques ou sociales.
Je parcours lors de
mes repérages des agencements particuliers faits de types architecturaux
et d’organisations urbaines qu’on trouve dans toutes les villes
occidentales. C’est à la fois assez précis et suffisamment
indéfinissable pour que je me laisse surprendre ; et ce saisissement,
qui échappe à toute planification, est l’objet de ma recherche.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.