Comment avez-vous commencé à photographier de nuit ? Quelle est cette attraction que le temps de la nuit exerce sur vous ? Ma photographie se concentre sur des situations et des lieux éloignés du tourbillon de la vie quotidienne. Quand j'ai commencé à photographier des paysages urbains - avant de me consacrer aux paysages naturels - je voulais mettre l'accent sur ce calme et cette solitude que je recherchais. Je me suis dit alors que la nuit pouvait être le lieu où atteindre ces deux états. Je fais de longues marches dans l'obscurité de la nuit ; les sens de l'ouïe, l'odorat et la vue ne sont plus distraits par les influences quotidiennes de l'environnement urbain. Je peux alors ressentir toute la richesse d'un paysage noir et silencieux.
Comment choisissez-vous le moment et l'endroit pour photographier? Diriez-vous qu'une sorte d'empathie s'établit entre vous et le paysage ? Quand j'ai commencé à photographier des paysages naturels en 2009, je "savais" seulement que j'avais besoin d'être entouré par le sol sombre de la terre pour faire l'expérience d'une sensation primordiale que je recherchais. J'ai donc d'abord exploré les paysages noirs et nus des terres volcaniques. Au fur et à mesure, je me suis rendue compte que je pouvais aussi m'entourer d'autres types de paysages dans lesquels je pourrai me laisser absorber. Pour moi, l'intimité avec quelque chose d'aussi grand qu'un paysage ne peut intervenir effectivement que quand il y a empathie : je photographie au moment où je ressens que le paysage me donne de la protection et de la consolation, la plupart du temps dans l'obscurité paisible, occasionnellement à la lumière du jour. Si ces circonstances sont réunies, je peux voir le paysage tantôt se révéler, tantôt se dissimuler. Il peut m'apporter du réconfort comme il peut me faire sentir seule. Ce sont ces ingrédients impalpables que j'espère rencontrer quand je traverse ces étendues.
Il y a une qualité terrestre dans vos images. Elles vont loin dans les noirs, dans l'argile ; les formes émergent, solides, mais en silence, effleurées par la lumière et le brouillard. Comment atteigniez-vous cette combinaison inhabituelle de présence solide et de rayonnement éphémère de l'endroit photographié ? Les fondements solides, que constituent la noirceur et la terre traduisent, je crois, un désir de protection par le paysage, la capture d'un silence confortable. J'essaie aussi d'inclure une "voie de sortie" dans l'image, à travers un point de luminosité ou certains détails. Il existe donc souvent une dualité dans l'expérience de ces paysages, comme vous l'avez fait remarquer. Je ne peux pas toujours entrevoir ni contrôler ce qui va se passer. Cela requiert une observation patiente de l'endroit en question, nuit après nuit, avec tous mes sens concentrés, essayant de reconnaître le point de rassemblement de toutes ces composantes.
À quoi se réfère Terra di Dio ? Le point de départ de ma série de paysages naturels était cette quête de "terres noires", que je voulais photographier. Je suis partie pour Stromboli, le volcan le plus actif d'Europe. Fouler cette terre noire chaude et fertile a constitué une inspiration fondamentale dans l'élaboration de cette série. Et quand j'ai découvert le film de Rossellini "Stromboli, Terra Di Dio", j'ai été touché par ce titre. Il exprimait exactement ce que je ressentais sur ce volcan : être arrivée à l'origine de la terre mère.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.