Laure Vasconi 

Montevideo, Faux Frère 

Montevideo

À propos de l'artiste

Sur les images écrans de Laure Vasconi se projettent des histoires, de celles que l’on se raconte la nuit, sans trop savoir si elles sont réelles ou rêvées. Des histoires d’hommes et de femmes, qui se croisent, parfois sans se voir, qui échangent des paroles silencieuses sous la lumière verte d’un réverbère, des solitudes qui se rencontrent dans la pénombre colorée de la ville. La photographie de Laure Vasconi est prise dans un mouvement incessant : celui de la lumière la ville et des silhouettes qui laissent des traînées sur le négatif longuement exposé, celui du personnage qui traverse, parfois en courant, le cadre, celui de la voiture à bord de laquelle l’appareil, quelque fois, est embarqué et puis celui de Laure Vasconi, vers l’autre. Les images de la photographe tourbillonnent dans le vertige de la nuit, jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent, imprimées dans un livre ou clouées au mur. Chacune se met alors à parler. Comme des film stills, elles parlent autant du moment T de la prise de vue, que de son avant et son après. On se répand en conjectures. Que se disent-ils sous ce lampadaire ? Repartiront-ils ensemble ? La nuit, nous dit Laure Vasconi, tout est possible.

Rencontre

Plantons votre décor et revenons d'abord sur les grandes séries que vous avez réalisé au cours des quinze dernières années, de votre premier livre sur la Russie jusqu'à vos travaux à Los Angeles.
Mes séries sont un peu comme des errances, je prends mon temps. Mon premier projet d’importance, qui a constitué un vrai  « passage » a été Souvenirs du futur, Voyage en Russie, c’était en 1995, la Russie d'Eltsine: ce fut à la fois une fin - cela a clos ma pratique du noir et blanc - et un commencement - c'était mon premier livre.
Après la Russie, je suis passée à la couleur et j'ai réalisé, sur presque dix ans, deux séries en parallèle : Fictions Intimes et Cinéma. A ce même moment, j'étais de plus en plus amenée à faire des images backstage, au théâtre, dans des lumières toujours extrêmement faibles, ces conditions m'ont incitée à développer une technique spécifique - en argentique, au Leica - c'est cette maîtrise technique, acquise en travail de commande, qui m’a permise d’explorer la nuit dans mon travail personnel.  
Fictions Intimes, c'est le constat d'une génération, la saisie de moments intimes, de partage avec ces personnages, familiers ou simplement croisés au hasard d'une rencontre.
Simultanément, je menais une série consacrée aux studios de cinéma à travers le monde. C'était un parcours complètement sentimental, pas du tout documentaire, ni exhaustif. J'ai choisi les lieux pour les références, les mythes qu'ils constituent, en fonction de mon attachement personnel aux films qui y ont été tournés. Ces deux séries étaient très complémentaires : la vacuité des studios, peuplés uniquement de fantômes, était contrebalancée par Fictions Intimes - comme si j'étais frustrée de ne pas avoir de personnages dans les studios et que je les invitais tous dans Fictions Intimes.
Et puis, il y a eu Merry Christmas, une série sur les maisons habillées de décorations de Noël à Los Angeles. J'appelle ça des fantaisies. L'idée est venue alors que j'allais photographier David Lynch. Il venait de terminer Mulholland Drive et me disait à propos de Hollywood et de Beverly Hills : "dans ces maisons, il y a tous ces gens qui font des cauchemars la nuit et c'est ça que je veux recréer dans mon cinéma." Ces maisons de Noël, que je voyais de nuit en voiture m’apparaissaient comme des décors pour ces fantasmagories.

Dans ces séries, il y a, comme un fil conducteur qui les traverse, votre rapport à la fiction, votre désir d'histoires et puis la nuit, qui est votre moment pour photographier. Est-ce pour l'esthétique particulière qu'elle offre ? Pour la liberté ?
Oui, pour moi ça a toujours été la nuit, pour ces deux aspects à la fois. J'y ai trouvé mon écriture. C'est mon élément. Une fois la technique intégrée, l'on peut se concentrer sur ce que l'on cherche et cesser d'être dans le contrôle, pour rentrer dans l'instinct. Il y a un lâcher prise général : de moi, de la ville, qui sombre dans la pénombre, des gens.
Les choses deviennent magiques la nuit, tout devient plus beau, et plus libre ; tout se nimbe de mystère, les histoires ont plusieurs fins. Rien n'est figé. La couleur aussi s'exacerbe, gagne en force. Et puis la nuit, j'ai le temps, je peux m'échapper, c'est un moment où je peux disparaître, c'est cette liberté là aussi que donne la nuit au photographe : devenir invisible.

Le lâcher prise est aussi dans la manière dont vous abordez la narration de votre récit :  comment se construit-il ?

Je parle beaucoup d'accidents. C'est ça que j'aime. Je ne suis pas du tout dans le concept ni dans la construction a priori. J'ai envie d'attraper les choses, je suis tout le temps en observation.

Et puis il y a les textes qui accompagnent vos livres, ce ne sont pas des introductions aux images de nature explicative, mais des récits à part entière. Quelle place laissez-vous à l'auteur et à son interprétation ?
J'aime remettre les images dans les mains d'un écrivain, laisser un autre regard d'auteur se poser sur le travail, qu'il se l’approprie pour construire une autre histoire, que moi-même je n’avais pas lue dans mes images. C’est comme cela que j’ai travaillé avec Philippe Claudel pour Fictions Intimes et Selim Nassib pour Faux-Frère.

Quelle histoire raconte Faux-Frère de votre point de vue ?
C’est une histoire très personnelle. Je suis mariée à un uruguayen, qui est de Montevideo, au cours des années, nous avons été amenés à faire cette traversée très régulièrement, Buenos Aires – Montevideo – puisque l'on n'arrive jamais directement à Montevideo. Je voulais traduire l'idée de ce voyage, avec le Rio de la Plata qui traverse et sépare les 2 villes, chacune sur une rive, avec leurs histoires douloureuses, l'une en face de l'autre. On est sur les traces de l'Histoire, mais à travers mon histoire personnelle.

Votre environnement est urbain, il est peuplé, agité souvent. Les personnages parcourent l'image, saisis dans une marche ou une course, parfois depuis une voiture, alors l'image devient floue. Pourquoi votre photographie est-elle en constant mouvement ?

C'est l'occupation du lieu qui m'intéresse. L'urbain, c'est l'humain. La voiture, c’est le voyage, l’errance, donc le mouvement. Et si mon image bouge tout le temps, c’est peut-être que tout ce que j'aime c'est le cinéma, toute ma culture visuelle est faite des films de Fassbinder, Schlöndorff, de Chantal Ackermann, des Italiens, des Américains aussi. L’image de Montevideo ici, pourrait sortir de Sur de Carlos Saura. C’est une image qui contient pour moi l’Amérique du Sud, la nostalgie de l’Argentine.
Je ne filme pas, mais probablement que mon désir de narration et cette image fixe, et pourtant en mouvement, que j’ai développée techniquement, viennent de là. J’ai commencé avec la kodachrome 25, très peu sensible à la lumière, qui m’obligeait à travailler la nuit à vitesse très lente, donc à laisser le champ libre au mouvement à l’intérieur de l’image, à l’effet de bougé.
L’image de Los Angeles est aussi complètement cinématographique, je l’ai faite en voiture, Ben Harper au volant. Je devais passer du temps avec lui, faire des portraits, sans grande contrainte. C’était l’époque où certains magazines laissaient encore au photographe le choix d’interpréter librement le sujet. Pour moi, il y a tout dans cette image : le mouvement, la nuit, la ville et l'histoire, qui file.

Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste. 

Expositions et prix

"Villes de cinéma" et "Cité(s) dans le texte", Espace Saint-Cyprien, Toulouse, 2015
"Villes de cinéma", galerie Sit Down, Paris, 2015
"Villes de cinéma", galerie Huit, Arles, 2015
"Nuit Américaine" Filature de Mulhouse, 2014
"France(s) territoire liquide", Tri Postal, Lille , 2014
"Villes du cinéma", Galerie Dityvon avec l'université d'Angers et le Festival Premiers Plans, Janvier 2014
"Merry Christmas", Kunsthall Museum Rotterdam, Déc 2012-Fev 2013
"Canal", Biennale de Liège, 2010
"Instants dansés", Théâtre de la Cité Internationale, Paris, 2008
"Canal", Frigos, Paris, 2007
"Odeon", Théâtre de l'Odeon, Paris, 2006
"Fictions Intimes", Barcelone, Valence et Madrid, 2005-2006
"Villes du cinéma", Bon Marché, Paris, 2004
"Fictions Intimes", Fondation Metronom, Barcelone, 2002
"26/12/99", Centre André Malraux, Nancy, 2001
"Villes du Cinéma", Quartz de Brest, 2000
"Souvenirs du Futur", Filature de Mulhouse, 2000 ; Passerelle de Gap, 1999 ; Galerie de Visu, Marseille, 1999 ; Centre Photographique de Rouen, 1997

Publications

Informations

& commande

Laure Vasconi 
Montevideo, Faux Frère

1999

Informations techniques

Tirage argento-numérique Lambda sur papier satiné - édition limitée, certificat numéroté et signé par l'artiste.

Dimensions

33 x 50 cm , Édition de 100
ÉPUISÉ




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