Martine Voyeux 

Vejer de la Frontera, Andalousie 

Vejer de la Frontera

À propos de l'artiste

Il y a plus de vingt ans, Martine Voyeux a rencontré l'Andalousie ; première halte de sa longue odyssée méditerranéenne, qu'elle n'a cessée dès lors de poursuivre. "Je vois dans ces lieux, dit-elle, comme un miroir de mes pensées, de mes émotions du moment."  La photographe ne dresse pas de panorama, ni d'état des lieux, mais trace subtilement, ville après ville, une cartographie intime, d'un chez-soi perdu et fantasmé, comme un désir d'Orient qui la tient depuis. Chacune de ses images est un espace où se rencontrent les contrastes de l'âme méditerranéenne -  lumière et obscurité, vie et mort, rondeur et rigueur, cris et chuchotement -. Les petites histoires du quotidien et les grands événements de l'Histoire se déposent en strates sur l'image comme sur les façades noircies de Naples. Il y a du mystère dans sa photographie et personne pour vous prendre par la main dans ce dédale. Dans ces chemins labyrinthiques que Martine Voyeux emprunte, elle laisse à chacun le plaisir de se perdre.
La photographe a exposé au Centre National de la Photographie, Palais de Tokyo, Paris, puis à Barcelone, Lisbonne, Tanger, Bucarest et Naples. Parallèlement, elle réalise des commandes institutionnelles.

Rencontre

Vous aimez la littérature, le cinéma et la photographie, pourquoi avoir privilégié cette dernière pour vous exprimer ?
J'hésitais c'est vrai entre ces trois médiums. Je suis partie sur un tournage en Inde, et j'y ai fait des photos. Cela m'est apparu alors plus clairement, la photo m'obligeait à être complètement dans le moment présent, d'être là pleinement, alors qu'avec le cinéma il est encore possible de ré agencer, réorganiser, avec l'écriture pareillement. Ce qui m'intéressait c'est l'urgence d'être présent en photographie : si l’on n’est pas ouvert à tout ce qui se passe, c'est fini. J'ai donc choisi la photo à la fois par plaisir et par nécessité intérieure.
Je n'ai pour autant pas complètement abandonné les deux autres médiums : j'ai fait simultanément à mes prises de vue beaucoup d'enregistrement de musique, de voix. J’ai également réalisé deux films documentaires, pour retranscrire une dimension plus large. Et puis j'écris, tout le temps, j'ai des valises entières de petits carnets, remplis de bouts de phrases, qui sont comme des images.

Toute votre œuvre est ancrée en Méditerranée. Pourquoi cet attachement ?
Tout ce qui guide mes pas, c'est une recherche autour de l'intime et de l'âme. D’une enfance imprégnée d’Algérie, par ma père et ma grand-mère, j'ai gardé ce désir du Sud. C'est ma madeleine de Proust. Mon odyssée méditerranéenne a commencé en Andalousie, au milieu des années 1980, ensuite j'ai parcouru le Maghreb, le Maroc surtout, puis Jérusalem, Bethléem, le Liban, la Libye, et maintenant le Sud de l'Italie. Je suis même allée au Portugal, alors que géographiquement ce n'est pas méditerranéen, mais je l'inclue volontiers car au-delà des frontières, l'objet de mon intérêt c'est l'âme du Sud. Je m'attache à ce qui relève de l'essence et que je retrouve de pays en pays, avec des énergies différentes.   

Comment définiriez-vous cette âme méditerranéenne ? Et comment lui donner un visage ?

C'est un mélange de beaucoup de choses, c'est la lumière et l'obscurité, ce sont ces éclats de lumières très durs qui t'assaillent, qui tuent certaines choses, qui les sèchent, et aussi cette ombre dans laquelle les gens se protègent, et dans laquelle, aussi, se jouent plein de détails. Ce que je recherche constamment, cela m'est apparu au fil du temps, c'est l’étrangeté et la magie : un mystère qui peut se manifester dans les scènes les plus quotidiennes. Chacun doit pouvoir voyager dans l'image sans que j'assène quoique ce soit, ce n'est pas une vérité que j'expose, c'est quelque chose de large, qui s'épanouit au fur et à mesure du temps, de la vie.
Quand je photographie dans ces lieux, je cherche les tensions, lumière / ombre et sensualité / rigueur, la Méditerranée est imprégnée de ces contrastes. Il y a beaucoup de couleurs, de parfums, d'odeurs, de matières, et en même temps, il y a une sorte de rigueur, qui est dûe à la fois à la religion et à l'aridité de la vie. Il n'y a pas de choix, il faut lutter et vivre. Tous les endroits que j'ai aimé et photographié sont des lieux chargés d’histoires, de métissages, qui ont connu grandeur et décadence.
Je ne cherche pas à documenter les villes, mais à photographier dans ces villes. Je photographie des gens et des décors, comme un théâtre dans lequel se joueraient toutes ces passions : des émotions qui sont finalement les miennes, que je retrouve de mon enfance, qui me constituent. C'est comme un écho imaginaire et poétique entre eux et moi.

Comment photographiez-vous dans ces environnements ? Posée ou à la dérobée ?
Je marche je marche je marche je cherche et tout d'un coup je vais être touchée par un geste, un regard, une chevelure ; l'espace m'apparaît soudain comme un décor, je vois des lignes, des gens qui se courbent, qui vont bouger, qui vont exprimer quelque chose qui va me parler… et là je vais m'approcher. Je m'installe, je me pose et je me montre en tant que photographe. Parfois même les gens se demandent pourquoi je suis campée là pendant une heure alors qu'il ne se passe rien. Si on me refuse, je le sens tout de suite, et je m'en vais. Si l'on m'accepte, je reste et ma présence provoque des choses, des personnes peuvent se mettre à "jouer" pour moi. J'aime ce mélange de spontanéité et de provocation de mises en scène, qui fait que, même si je demeure derrière l'objectif, j'existe dans l'image aussi.

Vos images ont toujours une composition très affirmée, un cadre très présent. Avez-vous constamment à l'esprit ce dynamisme du cadre ?

J'adore cadrer, c’est mon plaisir. Je suis constamment en recherche de quelque chose de très précis, et pour l'atteindre, je bouge beaucoup, je danse quasiment, c'est presque une transe. Je suis en dehors de la raison, il n'y a plus de censure, je deviens libre, libre de tout faire. Je peux cadrer l'oeil simplement ou juste le bras. J'adore jouer, la photo rend la vie ludique. J’aime jouer avec les profondeurs de champ, avec le flou et le net et faire émerger des personnages secondaires, cachés en arrière-plan. J'aime chercher et trouver du détail dans les ombres, j’use de la lumière, comme un révélateur, un phare, une torche.
En même temps, je porte aussi cette ambivalence qui caractérise la Méditerranée selon moi. Mes images contiennent ces contrastes : rigueur et douceur, ombre et lumière, amour et mort. En elles, comme en Méditerranée, il y a du tragique, mais qui pour autant n'empêche pas une rondeur de la vie : l'ouverture et cette façon d'aimer à bras ouverts.

Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste. 

Expositions et prix

Villes mythiques méditerranéennes, Festival Photomed ,Sanary, 2012
Teen, Adolescences, QG de François Hollande, Paris, 2012
Ruptures-ados, Musée Carnavalet, Paris, 2010
Al di là, Naples, mois de la photo, galerie Forêt Verte, Paris, 2008
Europe Echelle 27 «marae nostra», cité internationale des Arts, Paris, 2007
Al di là, Institut Français et galerie Kaplan, Naples, Italie, 2007        
Méditérranée, Ambassade France à Téhéran, Iran, 2005 
Corps et décors, Institut Français, Bucarest, 2002
Grenade, Festival Terre d’images, Biarritz, 2000
Routes océanes, Exposition universelle, Lisbonne, Portugal, 1998
Méditerranée, Musée Méditerranéen de la Photographie, Bastia, 1997
Méditerranée, rétrospective, galerie la Passerelle, Gap, 1996   
La Danse, Rencontres Internationales de la Photographie, Arles, 1988
Centre National de la Photographie, Palais de Tokyo, Paris, 1985

Collections

Fonds National d’Art Contemporain
Fondation François Pinault
Centre Georges Pompidou
Musée Carnavalet, Paris
Galerie du Chateau d’eau, Toulouse
Galerie La Passerelle, Gap
Encontros de fotografia, Coimbra


Prix
Bourse du Fiacre pour Portraits de corps
Prix de la Fondation Angénieux pour son travail sur l'Andalousie


Publications

Complicité/Picto, Actes Sud, 2010
Europe Echelle 27, Trans photographic press, 2008
Route océane, En vues, 1998
Repères Mode & Textile 96, Institut Français de la Mode, 1996
Saga Maure, Marval, 1995
Vues d’Ulm, Diderot éditeur et l’Ecole Normale Supérieure, 1995
Écrire contre l’oubli, pour Amnesty International, Balland, 1991
Portraits de corps, collection Premier, Marval, 1991

Informations

& commande

Martine Voyeux 
Vejer de la Frontera, Andalousie

2008

Informations techniques

Tirage fine art sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta - édition limitée, certificat numéroté et signé par l'artiste.

Dimensions

20 x 30 cm, Édition de 100 320.00 €




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ART LIGUE pour le "Bon Marché", Paris