Avant d’aborder cette image, revenons rapidement sur votre travail de portraitiste. Comment cela a-t-il commencé ?J’ai commencé à travailler pour les magazines et des quotidiens,
Libé,
Le Monde. Cela a rapidement fait boule de neige, une parution en amenant une autre, sans réel besoin de démarcher.
Et puis la musique s’est intéressée à mon travail, j’ai commencé à faire des pochettes de disque. C’était l’époque d’
Actuel et de
Radio Nova, il y avait une bonne « équipe » qui gravitait autour de ces antennes de création. C’était aussi les débuts du rap, tout ça était en pleine explosion. J’habitais à la Bastille, j’étais voisin d’
Actuel, je vivais presque comme dans une fourmilière. L’époque était vraiment excitante.
Que diriez-vous de la liberté de création du portraitiste à l’époque, dans ce contexte de commande ?Les acteurs et les chanteurs n’étaient pas sponsorisés, il n’y avait donc pas la pression qui existe aujourd’hui. Dernièrement j’ai shooté un acteur assez connu, il y avait derrière moi 4 attachés de presse d’une marque de parfum, aucun attaché de presse de cinéma qui aurait représenté le film dans lequel il figurait. Cette dérive-là peut être pesante, parce qu’elle camoufle l’artiste et son propos derrière un marketing oppressant.
J’ai eu la chance de commencer à travailler quand ce qui primait était la relation de confiance entre le photographe – le commanditaire, qu’il soit maison de disque ou magazine – et l’artiste. On t’appelait pour la qualité de ton travail, ton savoir-faire, et les pirouettes de singe que tu pouvais sortir de ton chapeau. Plus on était fou et plus on t’en demandait.
Il y a une théâtralité dans vos images. Comment définiriez-vous votre manière ?J’utilise certains éléments de manière récurrente, les miroirs, la fumée, les jeux d’ombre. Cela constitue le pourtour, le cadre, puis au centre de cela, ce qui va faire que la photographie se met en place ou non, c’est la musique qui va s’installer, le tempo des vibrations, des silences, une partition que l'on improvise à deux, le sujet et moi.
Et cet Œil, quel est-il ?C’est une image que j’ai faite pour moi, qui ressort de la même veine surréaliste.
Je suis très impressionné par certaines images, celles du
Chien Andalou de Buñuel, entre autres. J’aime insuffler, fabriquer de l’étrange dans l’image, même si je ne cultive pas l’étrange pour moi-même.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.