Yu Yamauchi a photographié pendant quatre ans, toujours posté au même endroit, le Mont Fuji à l’aube. 600 matins se sont révélés ainsi sous son objectif, dévoilant un espace infini qui se décline chaque matin de manière unique, en gammes et formes colorées tantôt minimales tantôt baroques.

Qu'est-ce qui vous a décidé un jour à prendre le chemin du Mont Fuji ?
J'ai toujours voyagé beaucoup, et chaque fois je constatais un décalage irréductible entre la vie quotidienne et la vie telle que vécue en voyage. J'aspirais à concilier le quotidien et le voyage en un même endroit, c'est alors qu'un ami m'a proposé un refuge sur le Mont Fuji. J'y passe depuis 5 mois par an. C'est un refuge de montagne, sans eau ni électricité, situé au-dessus des nuages. Les nuages sont comme la peau de la terre, par-delà le ciel est infini, ainsi que les étoiles qui s'égaillent en multitudes. Là-haut, je suis dans l'espace, sur l'étoile. La symbiose avec les éléments que je ressens en cet endroit est unique et m'a donné envie d'y passer le plus de temps possible.

Pourquoi vous êtes-vous concentré sur ce moment particulier de l'aube ? 
Ce sentiment que j'ai évoqué plus haut, d'une relation entre soi et les éléments, entre son individualité et le mouvement de la terre et des astres, c'est à l'aube qu'il me prenait avec la plus grande force, mon existence m'apparaissait alors, ainsi incluse dans l'échelle de l'univers et son cycle, comme un miracle. L'apparition du soleil également modifie l'espace, le vent change de direction, les oiseaux se font entendre, les nuages poursuivent leur course, c'est comme d'assister à la circulation de la vie. La vie que je mène là-haut, où je fais l'expérience réelle de ce cycle, - je collecte l'eau de pluie par exemple - c'est un mode de vie minimale, qui me permet de percevoir que je suis une partie de ce tout, que je m'inscris dans ce cosmos.

Le point de vue que vous avez choisi pour photographier donne le sentiment que vous flottez en apesanteur, tant l'espace semble infini.
Au début, je photographiais les personnes qui passaient par le refuge, ainsi que ses propriétaires, qui ont acquis ce lieu il y a maintenant 40 ans. Après avoir réalisé cette série de portraits intitulée "Les habitants sous les nuages", je me suis tourné vers le monde des nuages. Je voulais décentrer mon regard, j'ai pris une photographie du paysage qui s'étendait devant moi, puis j'ai renversé l'image, ce geste m'a permis de libérer mon esprit, de regarder autrement.

Comment avez-vous décidé de mettre fin à ce projet ? Avez-vous substitué cet objet de contemplation par un autre ?
La fin est venue naturellement. Aujourd'hui j'explore Nishi Omote Jima et Yakushima, deux îles du Sud du Japon, je photographie les arbres, j'essaie là aussi de trouver et de témoigner d'une relation entre l'élément et moi-même.

Dawn, Hyogo Sasayama Colissimo, 2015

Dawn, Nagano Tateshina HijiriHikaritera, 2015
Dawn, Omotesado Kagure, Dawn, 2015
Dawn, Kagoshima Yakushima Gallery, Tabira, 2014
Dawn, Tokyo Hikarie 8 / Cube 1.2.3, Shibuya, 2014
Dawn, TIME&STILE Futagotamagawa Tokyo, EPSITE Shinjuku Tokyo 2013 

Dawn, Akaaka Art Publishing