À propos de l'artiste
Ambroise Tézenas commence à travailler pour la presse française et internationale dès les années 1990. Rapidement à l'étroit dans le cadre de la commande de presse, se sentant limité par le "coup par coup", le temps compté et les petits sujets, il entreprend dans les années 2000 de s'assigner ses propres commandes. Son premier grand sujet sera la mutation urbaine chinoise et plus spécifiquement la ville de Pékin dans la période précédant les Jeux Olympiques de 2008. Tézenas trouve là son souffle : affranchi de la commande éditoriale et de son impératif de rendement, il prend le temps, celui de tâtonner, de se reprendre, de retourner, pour mieux saisir son sujet. Pékin, qu'il photographie de nuit, avec un appareil grand format, sera la scène où Tézenas pourra exprimer à la fois sa volonté de dire quelque chose de notre monde et de ses bouleversement et son désir de picturalité.
Pékin, théâtre du peuple remporte le prix Leica des éditeurs européens en 2006 et entre dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France. Parallèlement, il continue de collaborer avec quelques titres de presse, tels que le
New York Times : des commandes qui lui valent parfois des récompenses (Nikon Story Teller Award pour son reportage réalisé pour ce même journal à Cuba en 2009).
Son dernier grand projet personnel, bientôt à paraître, est consacré à ce récent phénomène de masse qu'est le tourisme morbide. Souvent sur les routes, Ambroise Tézenas est établi à Paris.
Rencontre
Vous photographiez à la chambre (grand format), qu’aimez-vous dans ce format ?
La
chambre est un outil contraignant qui appelle une distance assumée avec
le sujet. Trouver cette distance me paraît primordial. Je travaille
sans repérage en situation de reportage. La chambre est une façon de se
mettre en condition, en se fixant des règles. Il y a ce poids, ce peu
d’images possibles par jour, comme s'il fallait mériter ce plaisir que
tu peux avoir à photographier; photographier à la chambre me met dans un
état de quête, d’attention : l’inverse d’une flânerie passive.
Il y a quelques années, vous aviez réalisé un travail sur la ville de Pékin la nuit (Pékin : Théâtre du peuple). Qu’est-ce qui vous plaît dans le temps de la nuit ? Que permet-elle au photographe ?
Je
ressens cette nécessité de fuir un peu les gens, me retrouver seul,
marcher. La solitude aide à photographier. La ville moderne se présente à
moi comme un décor de théâtre. Un décor dont les projecteurs sont
restés allumés. Il y a une certaine euphorie à arpenter ces décors dans
le silence de la nuit. Le temps semble figé. La lumière est placée, plus
de nuages, ni de rayons de soleil. Je redécouvre le vent dont il faut
se protéger. Je vis le silence de la ville.
La nuit n’est pas pour
moi un exercice purement formel cherchant à privilégier l’effet pour
l’effet, elle me permet une autre approche du réel. Plusieurs années
passées dans le photo-reportage ont laissé une empreinte dans mes
photographies de paysage. La dimension esthétique va de pair pour moi
avec le souci de construire une histoire, initier une réflexion qui
aille au-delà du choc visuel.
J’aime les longs temps de pause. Au cœur de la ville de Pékin en pleine
mutation, j’aimais l’idée que les habitants passaient parfois dans le
champ sans pouvoir être imprimés sur le film, fantômes d’un monde
révolu. C’est agréable de vivre l’acte photographique dans la durée, de
donner à la lumière le temps de s’exprimer. Je pense parfois à l’instant
décisif de Cartier-Bresson… C’est reposant de ne pas guetter l’instant.
La ville est un de vos sujets de prédilection. Dans Pékin : Théâtre du peuple,
transparaît dans vos images, comme le titre le suggère, une impression
d’étrangeté, la sensation de se promener dans une ville-décor. L'on
ressent également cela à la vue de cette ruelle de Tanger. Pourriez-vous
faire ces images dans une ville qui est la vôtre, autrement dit est-ce
lié au fait que vous soyez étranger à ces villes ?
J’assume
totalement ma fascination pour cette exotisme, cette fascination pour
l’ailleurs. Si je me suis confronté plusieurs fois au fait de
photographier Paris, l’état de quête dont je parlais précédemment est
très différent, s’inscrire dans le paysage nécessite pour moi de le
découvrir. Le cadre du voyage offre aussi un temps donné, une urgence
nécessaire à la concentration.
Expositions et prix
I was here, tourisme de la désolation, Les Rencontres d'Arles de la Photographie, France, 2015
I was here, Festival de fotografia, Getxophoto, Spain, 2015
Photographies, Librairie Maupetit, Marseille, France, 2015
France(s) territoire liquide, Tri Postal, Lille, 2014
Pékin, Théâtre du peuple, Galerie Philippe Chaume, Paris, 2009
Night Visions, Young Gallery, Bruxelles, 2009
Le jour est brutal et bruyant, Le Méjan, Arles, 2008
The hutongs of Beijing, Kunsthal Museum, Rotterdam, 2008
Pékin, Théâtre du peuple, Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, 2007
Beijing, Theatre of the people, Paris-Beijing photo Gallery, Pékin, 2006
Photographies, Galerie Chambre avec vue, Paris, 2006
Nikon Story Teller Award, PDN Photo Annual, États-Unis, 2009
Leica European Publishers Award for Photography, 2006
Collections publiques de la Bibliothèque Nationale de France (Pékin, Théâtre du peuple)
Publications
Pékin, Théâtre du peuple, Actes Sud, 2007
Europe, Echelle 27, TransPhotographic Press, 2008