Vous avez été longtemps illustrateur de presse, directeur artistique et graphiste, vous êtes peintre et dessinateur, comment êtes-vous devenu photographe ?Ayant toujours été passionné par la photographie dont je collectionne les livres et les revues depuis mon adolescence, j'ai eu le bonheur de travailler comme directeur artistique avec de très grands photographes et cela fait 35 ans que j'ai un appareil en permanence avec moi. D'abord un un Zorki, puis plus tard un Leica avant de passer au numérique. Je pratiquais la photographie de rue et de mon quotidien, au gré de mes voyages et de mes déambulations dans les villes, mais je n'ai jamais rien montré pendant des décennies. Je n'exposais que mes dessins et mes peintures. A tort ou à raison, j'accordais moins d'importance à la photo. Et la fréquentation de grands photographes m'inhibait un peu.
D'où vous vient cette prédilection pour les animaux avec lesquels vous êtes, si l'on peut dire « sorti du bois » ?
Rangeant un jour mes archives, je me suis aperçu que sans m'en rendre compte, j'avais photographié énormément d'animaux, exclusivement dans les villes et dans la proximité des hommes. D'où situations insolites, drolatiques, inattendues mais pas seulement. Car de l'animalité se dégage une innocence, une poésie par contraste à laquelle je suis très sensible. Dès que j'ai fait attention à cette réalité omniprésente comme dissimulée en plein jour dans les cités, je me suis aperçu que les animaux ne sont pas seulement innombrables dans notre environnement, ils sont inséparables de nous, qu'on les exploite ou les considère avec bienveillance. Plus généralement - et c'est le grand intérêt de la photographie - à partir du moment où l'on a un sujet en tête, il ne cesse de surgir et de se dévoiler à vous comme par magie.
J'ajoute qu'entraîné par ma passion pour les livres, j'ai commencé à rassembler et éditer ces images les mettre en page. Je me suis aussi donné pour but de compléter l'ensemble en allant photographier des champs de courses, un abattoir, des musées d'histoire naturelle, traquant les animaux vivants ou représentés partout où je pouvais, en France et à l'étranger, beaucoup en Inde.
Pourquoi cette exclusivité du noir et blanc ?
A l'origine, elle vient de mon admiration pour la photographie dite « humaniste » et du photojournalisme, dans l'esprit des agences Viva, Magnum, VU, etc. Mais surtout le noir et blanc me donnait l'impression de pouvoir réinventer le monde et de le styliser par ses vertus graphiques. Privilégiant le cadre, toujours le cadre, encore le cadre, je pensais à cette époque que la couleur était un artifice, même si j'admirais Alex Webb, Saul Leiter, Steve Hiett, Guy Bourdin et tant d'autres coloristes.
Pourtant vous faites aujourd'hui des photos en couleur. Pourquoi ce revirement ?
Me considérant désormais comme photographe, j'ai montré mon dossier à différentes personnes qui se sont étonnées de ne voir que du noir et blanc, notamment Patricia Morvan et Patrick Codomier de l'agence VU, qui m'ont convaincu avec intelligence d'aller revoir mes images numériques en couleur. Ce fut une révélation et une révolution. Depuis, j'alterne noir et blanc et couleur selon les sujets. En fait la couleur c'est formidable, mais j'ai mis le temps pour y croire, 35 ans !
Quels sont vos projets en chantier ? Vous intéressez-vous toujours aux animaux ?
D'une certaine façon, oui, car je travaille depuis 4 ans sur les métiers de la taxidermie. Sinon, je viens de terminer Paris/Paradis, un livre-somme rassemblant 35 ans de photographies à Paris. Je voudrais également montrer mon travail sur Venise où je me rends régulièrement depuis 30 ans et qui a pris une inflexion intéressante depuis que je suis passé à la couleur. J'ai d'autres chantiers en route, plusieurs sujets photo et une ou deux séries mixant peinture, dessin et photographie dans la lignée des Photoiles. Bref, j'ai du pain sur la planche… !