Parlez-nous de ce "Garbage Collector". Dans quelles circonstances
vous êtes-vous rendu en Chine, et quelle était l'inspiration pour cette
image ? Le magazine
FOAM (édité par le musée de
photographie éponyme, à Amsterdam) m'avait passé commande d'une série à
Shanghai. J'avais acheté des vélos pour circuler dans la ville, et un
jour que je me promenais avec mon assistant Guus, nous nous sommes
perdus, et l'on s'est retrouvés au bord du fleuve qui traverse la ville,
le Bund. Soudain on a vu passer un homme sur un bateau avec un filet de
pêche. On l'a suivi pendant un moment : il ramassait les ordures qui
flottaient sur le fleuve avec son filet. Ça m'a paru très beau :
imaginer quelqu'un "ratissant" la Seine sur une petite barque, dans
l'idée de faire le monde plus beau. Dans ma ville, Amsterdam, les gens
font ça avec de gros bateaux et des pelles mécaniques !
Dans
"Prospect Park", vous vous mettez en scène en homme des cavernes,
couvert de boue, cerné par une végétation luxuriante et hors champ, par
des gratte-ciels. Le motif de la cabane, de la vie dans les bois, du
retour à un "état de nature" est récurrent dans votre œuvre. Oui
bien sûr. C'est quelque chose avec lequel je me débats constamment. Je
veux de la paix et du calme pour penser, repenser, et travailler. Mais
j'ai besoin de la ville, de la télévision, et de ce trop-plein de gens
pour m'en irriter et être capable de formuler une réponse à toute cette
folie. Ces deux aspects me sont nécessaires, j'essaie de les équilibrer
dans ma vie, et mon travail reflète cette tentative.
Dans cette
image, j'ai les pieds dans la rivière et je me lave. Il fut un temps,
pas si lointain, où c'était une pratique commune, et cela se fait encore
dans de nombreuses parties du monde. Ce que je voulais mettre en
évidence avec cette image et la série que j'ai réalisée à New York c'est
la présence de la nature dans la ville et comment nous avons changé
notre relation à elle. Elle était partie intégrante de nous et
maintenant c'est quelque chose que nous allons voir, que nous visitons,
comme une attraction. Dans ce parc, il y a même des grillages le long
des chemins, comme pour ne pas s'en approcher de trop près !
Vous
avez travaillé en Chine, en Slovaquie, en France, aux États-Unis… des
territoires où vous exportez vos fantaisies. À voir vos images, les
mégapoles de Shanghai et New York ne paraissent plus si intimidantes.
Étaient-elles des terrains de jeux accueillants ? Shanghai c'est
le chaos par excellence, la ville la plus intéressante qu'il m'ait été
donnée de voir. C'est comme un mélange de New York et Bangkok, mais en
tellement mieux ! À côté d'elle, New York est vraiment une ville pénible
pour un photographe - pas de place pour l'inattendu, tout semble joué
d'avance. J'ai été beaucoup aidé sur place, c'était très bien, mais ça
m'a tout de même demandé tant d'efforts et de sueur !
Vous donnez souvent à vos projets des titres amusants et inhabituellement longs, presque comme des phrases. Comme un conteur ? Je
veux que toutes mes images racontent d'elles-mêmes une histoire. Chaque
image doit avoir une ligne narrative qui lui est propre, et je ne veux
pas raconter deux fois la même histoire. C'est vrai que je me concentre
sur certains thèmes pour organiser les images en séries mais en vérité
je considère tous mes travaux comme appartenant à un grand ensemble. Les
titres sont comme un fil rouge qui permet de saisir le déroulement de
mes pensées. Je devrais aussi ajouter que si mes titres deviennent de
plus en plus longs c'est peut-être parce que mon envie d'écrire devient
de plus en plus pressante.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.