Vous avez commencé rédacteur en agence de publicité, aujourd’hui vous
êtes directeur de création. Entre temps vous êtes devenu photographe.
Comment l’image est-elle arrivée dans votre vie ? Je me suis mis
tardivement à la photographie. Je n’avais pas fait d’école d’art
graphique et suis entré en agence de pub comme rédacteur. Je n’avais pas
vraiment de culture visuelle mais au contact des directeurs
artistiques, des photographes, je me suis aperçu que mon intérêt se
portait vraiment sur l’image, sans que j’ai pour autant aucune notion
technique. En tant que rédacteur, je n’avais pas le droit à l’image. Je
me suis mis à faire des photos pour combler un peu cette frustration. Et
puis, dans la pub, tout finit toujours avec un logo dans un coin, la
pratique de la photo me permettait cet exercice de création plus libre.
Je devais avoir 30 ans quand je m’y suis mis. Et rapidement, je me suis
aperçu que ça m’intéressait vraiment, voire que ça m’obsédait.
Votre pratique de la photographie est très liée au voyage…Oui
toujours, j’ai besoin d’être à l’Étranger. En France, le décor m’est
trop familier, ça ne m’inspire pas. Je photographie quasi exclusivement
aux Etats-Unis, parce que ce n’est pas si loin de la France : c’est
occidental, moderne, les ingrédients sont presque les mêmes, mais il y a
toujours une pointe d’exotisme. Je pars une fois par an aux Etats-Unis,
seul, dix jours, faire des photos. En dehors de ce temps-là, je ne me
balade pas avec un appareil.
Les seules photos que j’ai faites à Paris, ce sont des natures mortes, réalisées chez moi, tout au début.
Pourquoi êtes-vous plus attiré par l’Ouest américain, les grands espaces ?Il
y a une forme de simplicité, d’épure dans ces paysages. Je pars souvent
dans les États du Sud, Sud-Ouest, le Texas ou la Californie, souvent en
hiver, pour la lumière et le climat, plus clément. J’ai du mal à
photographier dans des environnements urbains, des lieux saturés,
certainement parce que je suis un peu timide et que j’ai besoin d’une
certaine zone de tranquillité quand je photographie.
Ces
étendues donnent l’impression d’être un peu comme une toile où installer
vos mises en scène, c’est comme cela que vous les envisagez ? J’aime
les images où il ne se passe rien, purement contemplatives, mais il y
en a d’autres pour faire ça, qui le font très bien. Peut-être par
déformation professionnelle, j’aime toujours les images où il se passe
quelque chose, où il y a une idée. Dans ma pratique, j’essaie toujours
de raconter une petite histoire et qu’elle soit assez simple. C’est
peut-être aussi pour cela que j’ai choisi le noir et blanc, pour aller
directement à l’idée, être plus synthétique. Quand je fais de la
couleur, j’ai l’impression de me disperser.
Quand j’introduis un
objet ou une figurine de Batman comme j’ai pu souvent le faire dans un
paysage, ils tiennent un peu le rôle d’alibis, ils m’autorisent à
planter mon trépied dans un paysage magnifique que j’aurais du mal à
photographier juste pour lui-même.
Beaucoup de vos images sont référencées, mais le spectre des références est très large ! De Courbet à la série Z ? Oui
c’est ça, je dirais que ça va de Hopper à Snoopy,. C’est ma profession
qui veut ça certainement : être une éponge, absorber tout ce qui
m’environne.
Quand j’étais môme, j’adorais Sempé, aujourd’hui j’aime
autant les cartoonistes américains pour leur esprit, leur clins d’œil
toujours présents que Friedlander, Boubat ou Courbet.
Préparez-vous vos images en amont ? Quelle part laissez-vous au hasard ? Avant
de partir pour les Etats-Unis, j’ai des images en tête, qui me viennent
tout au long de l’année, que je note. Souvent, je fais un croquis, et
sur place, j’attends le bon moment, le bon endroit.
Dans ces deux
images par exemple, je cherchais depuis un moment ce puzzle, j’ai fini
par le trouver, je l’ai acheté à un vendeur américain via eBay et suis
revenu aux États-Unis avec. Le livre aussi je l’ai emmené dans ma
valise.
Je pars avec ces idées que je veux réaliser, parfois je
réussis, parfois je les rate, et les retente l’année suivante. Il y a
cette constance dans mon travail, qui se ressent je crois dans ces deux
images : elles ont 10 ans d’intervalle, mais elles pourraient être
contemporaines.
J’ai mes habitudes aussi, je travaille toujours en
argentique, avec le même appareil et le même objectif 50 mm. Je
travaille avec la lumière du jour ou la lumière artificielle ambiante.
Je n’ai pas de lumière, de flashs, etc. je n’ai qu’un pied qui permet au
moins de faire des temps de pose assez longs si la source lumineuse est
trop faible. Comme dans cette chambre d’hôtel. C’est très artisanal, et
ça laisse toujours place au hasard. Pour
Flying Saucer par exemple, j’avais tout prévu, et puis il y a cette
voiture qui est arrivée en face, pleins phares allumés, elle tombait à
pic. Il y a toujours ces petits accidents heureux qui rendent l’image
vivante et magique.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.